Mon travail a débuté par une envie de garder le souvenir ou plutôt l’empreinte d’ un certain arbre ,un arbre qui devait être abattu ,un arbre dans lequel j‘avais passé une grande partie de mon enfance …
Je l’ ai donc dessiné parce que je voulais tenter de traduire le ressenti des moments vécus dans cet arbre plutôt que l arbre lui- même ,alors l’arbre m’ absorbait dans son petit monde fourmillant ,je me sentais chez moi .
C’était le monde de l’instant, j’y était totalement plongée tout en ayant conscience d’être en quelque sorte assise sur le passé et entourée de futur !
Il fallait donc trouver le moyen d exprimer ce sentiment ,par une accumulation graphique , pas d’aplats trop rapides , mais une sorte d’enchevêtrements aériens …
Peu à peu, en grandissant, peut-être ,j ‘ai pris du recul et j’ ai percu les arbres dans leur globalité et je les ai vus comme ces danseurs ,qui sont capables de travailler inlassablement le détail d un geste , jusqu’à l aboutissement exact de l’intention , jusqu’à ce qu’il soit tellement parfait qu’il se prolonge naturellement, jusqu’à l’ ébauche d’un nouveau monde .
L’arbre est une allégorie du monde et du sentiment d’existence !
Ce sujet est si riche , il me faudrait une vie entière pour en découvrir la puissance.
Il donne à la fois une liberté extraordinaire cadrée par une construction foisonnante et cela m’a donné une sorte d’enthousiasme végétal !
Quelle que soit la manière dont on souhaite de le découper ou de le diviser il contient comme une possibilité d’oeuvre .
Mon objectif sera pleinement atteint si le spectateur y voit un moyen de s’immerger dans sa propre intériorité, qu’il choisisse telle ou telle partie selon son envie ,son désir, son humeur ,ses aspirations, ses rêves …
C est donc un sujet …infini.
My work originated from the desire to retain a memory, or rather an imprint, of a particular tree, a tree that had to be cut down, a tree in which I had spent a great part of my childhood.
Thus I started drawing, not to represent the tree itself, but in order to materialize the way I felt inside that tree. The tree had swallowed me in its swarming little world, and I felt at home. It was a place of moments, I was entirely immerged in it, whilst fully aware that I was somehow sitting on the past, and surrounded by the future.
I had to find a way to express this feeling using an accumulation of shapes – no quick color spots, but rather the creation of airy entanglements.
Progressively, as I was growing up, maybe I took some distance and started perceiving trees as a whole, I saw in them those dancers who can work tirelessly on the detail of a single move, until they reach exactly their intention, until their move is so perfect that it naturally becomes the sketch of a new world.
A tree is an allegory of the world and of the feeling of awareness.
This theme is so rich, I would need a whole life to discover its potential.
It is a source of freedom within the frame of an abundant structure, this has filled me with some sort of vegetal enthusiasm.
However you may choose to cut or divide it, it always contains the possibility of a work of art.
I will have fully met my ambition if the viewer understands it as a way to explore his own inner self, whichever part of it he chooses according to his wish, his desire, his mood, his aspirations, his dreams…
Thus this subject has no limit.
Un petit garçon de 7 ans (le grand âge des questionnements métaphysiques) me parlait de Dieu du matin au soir, au point que je finis par lui demander sa définition de Dieu. Sans hésiter une seconde, il me répondit :
Dieu c’est ce qui est autour.
Autour de quoi ? Demandais-je bêtement.
Autour de tout ! Autour des maisons, autour des voitures, autour des gens, autour des ampoules, autour des oiseaux, autour des arbres…
Ainsi réglait-il, une fois pour toutes, la question de la transcendance. Depuis ce jour, quand je vois les arbres de Véronique Rischard, je me demande ce qu’elle célèbre : les arbres ou le céleste vide ? Ces arbres, dont le sol saisit si profondément les invisibles racines, sont animés par un puissant besoin d’arrachement, d’évasion tous azimuts.
Ampleur inouïe de cette chorégraphie !
Regardez la danse offerte au ciel par ces enracinés. Même le Dieu du petit garçon aurait du mal à la contenir ! Moi, en tout cas, mes yeux ne s’en lassent pas.
Daniel Pennac
Véronique Rischard ne dessine que des arbres, à l’encre de chine sur fond de peinture blanche qu’elle travaille sans cesse, couche après couche. Les arbres étirent leurs branches en de gracieuses circonvolutions. Ils ont la souplesse et l’esthétique chorégraphique des danseurs déployant leurs bras dans des mouvements aériens. Pour tout dire, Véronique Rischard est aussi metteur en scène d’opéra. Au bout de ces extensions, il y a un petit travail de milliers de feuilles dont elle s’amuse avec plaisir. Maîtrisant l’encre de Chine et ses subtilités, c’est l’occasion d’un magnifique exercice de style. Il est courageux aujourd’hui de dessiner sans cesse des arbres.
Même s’il n’y a plus de hiérarchie des genres comme au XIXème siècle, le paysage n’est plus en goût de sainteté dans l’art contemporain. Faisant fi des sirènes audibles du temps et de la tyrannie de l’avant-garde, l’artiste se remet uniquement à l’écoute de son silence intime. Et l’art et la manière de Véronique Rischard réussissent à nous procurer un plaisir raffiné.
L’arbre omniprésent comme unique sujet. Le fond blanchâtre, cotonneux, comme un ciel proche du Paradis…
Est-ce un chêne, un olivier ? Symboles tour à tour de la paix, de la justice et de la force ? Mais l’espèce n’a au fond guère d’intérêt. Le tronc est énorme. Il a de l’âge. Il est le lien entre les racines terrestres dont on devine la puissante présence et les branches célestes. Considérant que l’arbre nous survit, il nous parle à tous de l’immortalité et de notre éphémère condition humaine. C’est dans la composition que Véronique Rischard excelle, donnant dans les entrelacs des ramifications et les torsions du tronc, tout son équilibre. Souffle léger de l’air, le blanc circule entre les feuilles. Dans une inspiration toute romantique, l’âme du spectateur s’abîme dans cette nature silencieuse.
En diptyque ou en triptyque, la ramure, végétation abusive, pousse à l’infini, envahit la toile de panneaux en panneaux. Le fait qu’il existe ou non des figures dans un paysage n’est pas indifférent. Devant les tableaux de Véronique Rischard où il n’y en a pas, le regardeur s’approprie tout l’espace dans une impression d’harmonie et de plénitude. L’artiste raconte qu’au Luxembourg, petite fille, elle aimait aller au fond du jardin, dans un arbre pour rêver… Devant « les arbres », c’est à notre tour de nous laisser aller à des moments de pure contemplation zen.
Monique Boghanim
Directrice Artistique MUSEAAV
Prenant racine au-delà du tableau, dans les tréfonds de l’âme de qui veut bien les contempler, et les nourrir des forces vives de son imagination, ces arbres solitaires remplissent le vide et donnent ainsi une nouvelle signification à l’être et au néant.
L’espace s’invente suivant le doux balancement d’un vent abracadabrant, les branches partant en vadrouille sur la toile vierge, conférant un sens du mouvement prodigieux aux compositions de Véronique Rischard.
Une pléthore de détails font de chaque tableaux une véritable forêt inexplorée. Et sous l’apparente simplicité se révèle cette complexité à la fois poétique et architecturale dont sont faits les mondes.
Transfigurés, les motifs fantasmagoriques se découvrent comme par enchantement des traits de caractère humains.
Par un coup de baguette magique, l’artiste ramène à la vie des histoires de faunes et d’autres esprits sylvestres qui ont peuplé notre enfance et reviennent ici nous conter de lointaines légendes.
Vesna Andonovic
Luxemburger Wort